FEMMES DU MONDE ET RECIPROQUEMENT

#047 – ORLAN

Photo de ORLAN

Première publication le 03/10/2025 La Française ORLAN est une artiste reconnue à l’international, vivant entre la France et les Etats-Unis. A travers ses œuvres souvent provocantes, elle casse les codes de notre société. Depuis ses débuts dans les années 1960, le féminisme fait partie intégrante de son travail : elle met en avant le corps des femmes, questionnant les attentes esthétiques de la société et dénonçant les violences subies par les femmes. Dans cet épisode, ORLAN revient sur son combat contre les stéréotypes de genre, les violences et la marginalisation des femmes dans l’Histoire. Elle aborde notamment ses œuvres emblématiques telles que L’Origine de la guerre, qui met en lumière les rapports de pouvoir autour du corps et de l’identité. Ecouter

#046 – Vanessa BOUSARDO

Portrait de Vanessa BOUSARDO

Première publication le 19/09/2025 La Française d’origine guadeloupéenne Vanessa Bousardo est avocate en droit pénal et Vice-bâtonnière au Barreau de Paris. En octobre 2024, elle fonde le collectif « Bâtonnières du Monde » visant à améliorer le droit et la gouvernance des femmes dans tous les pays du monde. Dans cet épisode, Vanessa Bousardo évoque l’importance du droit comme levier démocratique, et clef pour l’évolution des droits des femmes. Elle revient également sur les inégalités persistantes dans le milieu juridique, notamment liées à la parentalité. Ecouter

#045 – Gabriela BELAID

Portrait de Gabriela BELAID

Première publication le 05/09/2025 L’Algéro-italo-française Gabriela Belaïd est fondatrice et présidente du Cercle Olympe de Gouges et présidente de CentraleSupélec au Féminin. Elle est également directrice cybersécurité au sein de Tenexa. Engagée pour l’égalité, la lutte contre le sexisme et pour l’inclusion dans le numérique, elle œuvre au quotidien pour ouvrir les métiers du numérique et des sciences (STEM) aux jeunes filles et femmes. Dans cet épisode, Gabriela Belaid alerte sur les biais sexistes dans la technologie. Elle incite les femmes à participer à la conception des nouvelles technologies pour éviter la reproduction de ces inégalités. Ecouter

#039 – Monique DENTAL

Portrait de Monique DENTAL

Première publication le 16/06/2025 La Française Monique Dental est une militante féministe toujours active aujourd’hui dans le réseau féministe Ruptures qu’elle créé dans les années 1970. Elle a conduit une délégation au sein des ONG à la 4ème Conférence mondiale sur les droits des femmes de Pékin, en 1995. Plus récemment, elle a co-dirigé le livre « De Mai 68 au Mouvement de Libération des Femmes (MLF) ». Dans cet épisode, Monique Dental revient sur son implication dans la Conférence de Pékin de 1995, moment de solidarité féministe mondiale, et sur la nécessité de reconnaître l’apartheid de sexe aujourd’hui. Ecouter

Jocelyne Adriant-Mebtoul : « je pense que la diplomatie féministe peut devenir une arme de paix »

Portrait de Jocelyne Adriant-Mebtoul au Forum des Femmes - 2024

Comme chaque automne à Paris, le Women’s Forum a ouvert son grand rendez-vous annuel les 23 et 24 octobre 2024 dans la Maison de la chimie sur le thème de la réconciliation, tandis que les conflits armés n’ont jamais été si nombreux et que le nombre de femmes qui en sont victimes a doublé en 2023, selon le rapport de l’ONU rendu la veille, 22 octobre, sur les femmes, la paix et la sécurité. Plus de 1700 personnes s’y sont pressées pour entendre des exper·tes du monde entier sur les thématiques de la participation des femmes dans tous les domaines de décision, de l’économie au climat, de la santé aux affaires et à la « tech », de la culture au droit et à la politique. La diplomatie féministe comme instrument de re- connexion des Nations entre elles pour favoriser la coopération et la paix y était à l’honneur avec une table ronde qui réunissait autour de la journaliste new-yorkaise Kathryn Pilgrim : l’Ambassadrice Vanessa Frazier, Représentante permanente de Malte aux Nations Unies ; Arancha Gonzalez, Doyenne de l’Ecole des Affaires Internationales de Paris Sciences Po, Ancienne Ministre des Affaires Etrangères d’Espagne ; Begoña Lasagabaster, Directrice de l’égalité des genres à l’UNESCO ; et Jocelyne Adriant-Mebtoul, Présidente de la Commission internationale du Haut Conseil à l’Egalité et fondatrice de l’ONG Femmes du Monde et Réciproquement sur les droits des femmes à l’international. 50-50 Magazine reprend ici les questions posées par la journaliste américaine Kathryn Pilgrim à Jocelyne Adriant-Mebtoul. Comment définiriez vous la diplomatie féministe… En quelques mots, que signifie-t-elle pour vous et quel est son lien avec la notion de « réconciliation » ? Dans un monde en chaos, je crois que la diplomatie féministe est un instrument précieux Pour avoir co-produit le rapport 2023 sur la diplomatie féministe de la France, dans le cadre des missions du Haut Conseil à l’Egalité, je la définis comme la politique d’un Etat qui met au cœur de son action extérieure l’égalité femmes/hommes et la solidarité internationale avec les femmes dont les droits sont bafoués partout dans le monde. Cette dimension peut tout changer car c’est une approche transformatrice de la société. Elle vise notamment à substituer des enjeux de paix aux enjeux de rapports de force et de domination de nos sociétés patriarcales. Pour vous répondre sur le lien avec la « réconciliation », je pense que la diplomatie féministe peut devenir une arme de paix, si les Etats et les politiques qui nous gouvernent le veulent vraiment, car tout est question de volonté politique. Quand la volonté est réelle, les moyens suivent. Vous êtes à la tête de l’organisation «Femmes du monde et réciproquement  et vous êtes depuis longtemps dans le domaine de la participation des femmes aux institutions. En tant que société, nous avons beaucoup progressé en matière de participation des femmes et, en 2024, il semble que nous assistions à un énorme retour en arrière. Pourquoi pensez-vous que cela se produit ? Ce recul s’est amorcé depuis quelques années déjà. Premièrement, à cause des crises mondiales multiples : la pandémie de Covid 19 continue d’avoir un impact délétère dans les domaines sanitaire, de l’économie, du social et de l’environnemental et on en a pour des années à s’en remettre. Deuxièmement, à cause de la vulnérabilité des populations précarisées par les crises : plus les gens se sentent démunis, plus ils ont peur de l’avenir pour eux et pour leurs proches, et plus ils recherchent des personnages « providentiels » qu’ils croient capables de les sauver parce qu’ils parlent de sécurité, de monter des murs au lieu de construire des ponts, de rejeter tout ce qui peut représenter une menace réelle ou supposée. Troisièmement, et c’est le résultat des deux premiers points, on assiste à la montée des régimes autoritaires au même rythme que reculent les démocraties : les régimes autoritaires sont près de 50% sur la planète : ils ont triplé en 30 ans. Et avec eux les conflits prolifèrent sur la planète. On en dénombre une centaine au moment même où on se parle. Les budgets des armées au niveau mondial ont d’ailleurs atteint un record historique. C’est dire ! La conséquence c’est que les droits des femmes et des filles reculent dans les mêmes proportions. L’ONU a rendu avant-hier son rapport alarmant sur les femmes dans les conflits : le nombre de femmes tuées dans les conflits armés a doublé en un an et les violences sexuelles ont augmenté de 50%, le droit international étant de moins en moins respecté par les belligérants et par les Etats qui sont censés le garantir en tant que membres de l’ONU ! Aujourd’hui, qui le respecte en Ukraine, à Gaza, au Soudan, en Afghanistan, au Yémen et ailleurs ? Les droits des femmes sont le baromètre de la société, quand ils vont bien la société va bien et inversement. Regardez l’état économique et politique catastrophique de l’Afghanistan, regardez la situation sociale de la République démocratique du Congo, l’un des pays les plus riches de la planète par son sous-sol minier mais où la population est parmi les plus pauvres : c’est le pays où des millions de femmes et de filles ont été violées et mutilées sexuellement, on dit que c’est « le pays du viol ». Et à l’inverse regardez l’Espagne qui a mis en place une véritable stratégie contre les violences et pour les droits des femmes, qui a réussi en moins de 20 ans à faire diminuer de plus d’un tiers le nombre de féminicides. Il est deux fois moins élevé qu’en France aujourd’hui. C’est donc bien une question de volonté politique. Si l’on se projette dans l’avenir, à quoi ressemblera, selon vous, la diplomatie féministe ? Quelles seront ses implications ? Je pense que la diplomatie féministe est encore en construction. C’est un concept très jeune, qui doit grandir, s’incarner. Il a à peine 10 ans. Aujourd’hui une vingtaine de pays annoncent en avoir une, mais il n’y a pas de définition commune, chacun y met sa propre recette (parfois cela ressemble plus à une … Lire la suite

Anne-Cécile Robert : « Journalisme et enseignement sont des formes de transmission » 1/3

Portrait d'Anne-Cécile ROBERT

Anne Cécile Robert est directrice adjointe du Monde diplomatique, enseignante et essayiste. Face aux bouleversements du monde et aux risques d’une troisième guerre mondiale, cette spécialiste des institutions européennes et internationales, comme l’ONU, qui a écrit plusieurs livre, nous rappelle dans cet entretien les valeurs pacifistes et humanistes qui constituent sa grille de lecture du monde, son engagement pour la réhabilitation de la paix et sa foi dans le pouvoir de la société civile. Anne-Cécile Robert, vous co-dirigez Le Monde Diplomatique, le journal français le plus diffusé au monde avec ses 36 éditions dans 27 langues. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette institution du journalisme qui tient une place à part dans la presse nationale et internationale ? Le Monde diplomatique est un mensuel du groupe Le Monde, fondé il y a plus de 70 ans et destiné à l’origine aux ambassades. Depuis une trentaine d’année, il dispose de sa propre rédaction, de ses structures juridiques et de son projet éditorial. Le Monde diplomatique suit l’actualité internationale sans écarter aucun aspect, outre la dimension diplomatique et les relations internationales, il intègre aussi l’économie, le social, la culture, l’histoire. Nous refusons de courir après l’actualité immédiate et choisissons au contraire de prendre le temps de la réflexion et du recul, y compris historique. D’ailleurs notre devise est : « On s’arrête, on réfléchit ». Nous faisons aussi appel à des contributeurs d’horizons divers et sommes dans une approche pluridisciplinaire. Nous avons deux grandes préoccupations : d’une part, être un journal de contre-information, afin de fournir une information qu’on ne trouve pas forcément ailleurs et d’autre part, analyser et critiquer les rapports de domination quels qu’ils soient : Nord/Sud, colonial, mais aussi économique, sociale et, évidemment, de domination des hommes sur les femmes. Je pense que notre lectorat nous est fidèle pour cette constance dans nos lignes directrices et nos valeurs humanistes. Comment et pourquoi avoir choisi Le Monde diplomatique et les enjeux internationaux ? Au départ, je ne me destinais pas du tout au journalisme, mais à l’université. Je suis docteure en droit européen, mais dès mes années lycée j’ai été une grande lectrice du Monde diplomatique. J’ai eu la chance de faire la connaissance de Bernard Cassen (1), qui malheureusement vient de nous quitter. Directeur du Monde diplomatique, il m’a dit un jour : « il y a une place pour toi si ça t’intéresse”. Je n’ai pas hésité une seconde, parce que c’était le Monde diplomatique et ce projet éditorial, sinon je ne serais pas devenue journaliste. D’ailleurs, je n’ai jamais abandonné l’université : j’enseigne à l’IRIS, j’ai été professeure associée à l’Institut européen de l’Université Paris 8 pendant 20 ans et j’enseigne aujourd’hui à Paris 2. Journalisme et enseignement sont des formes de transmission, comme les livres que j’écris, c’est un tout. Mais j’apprécie énormément d’être au Monde diplomatique parce que c’est un espace de liberté essentiel. Il y a peu de journaux où l’on peut s’exprimer librement. J’aime cette possibilité qui m’est offerte d’écrire des articles longs avec des sources, comme dans les revues universitaires. Je pense donc continuer comme ça, à la fois au Monde diplomatique et à l’université, c’est assez cohérent. J’aimerais revenir sur votre dernier livre Le défi de la paix : remodeler les organisations internationales. Sur une planète qui semble s’engouffrer dans la guerre, comment fait-on pour préserver une paix mondiale de plus en plus en fragile, face à certains gouvernants fauteurs de guerre (tous des hommes d’ailleurs) qui prônent la force au détriment du droit international ? Comment revaloriser les notions de paix et d’humanisme et réformer les organisations internationales, à commencer par l’ONU ? Il y a plusieurs aspects… La première chose est de formuler le bon diagnostic, sinon on ne peut pas apporter les bonnes réponses. Je le développe dans Le défi de la paix.  Nous sommes à la fin d’un cycle historique : on vit un changement politique, géopolitique, juridique mais aussi philosophique. C’est quelque chose d’extrêmement profond qui fait tout vaciller sur ses bases : l’ordre mondial né après 1945 risque de disparaître pour être remplacé par un autre, peut-être plus chaotique. La deuxième chose, c’est de poser ce diagnostic de manière juste. Pendant des années, ça a été “un sport national”, voire un sport international, de dire du mal de l’ONU. Il y a eu des articles, des livres pour expliquer à quel point ça ne marchait pas, pour critiquer sans nuance, détruire. Certes, l’ordre international dans lequel nous sommes depuis 80 ans a des défauts. Il a notamment abrité la domination des deux super grands, les Etats-Unis et l’Union Soviétique. C’est vrai que l’ONU est bureaucratique, que le Conseil de sécurité est paralysé par le droit de véto. C’est vrai qu’il y a eu et qu’il y a toujours des échecs : aujourd’hui l’ONU est impuissante à arrêter la guerre en Ukraine comme à Gaza. Mais il faut aussi dire que le système a fonctionné pendant 80 ans. Tout d’abord, il a rempli sa mission fondamentale : éviter la Troisième Guerre mondiale. Une ou deux fois, nous sommes passé·es à quelques heures de son déclenchement et c’est grâce à l’ONU, entre autres, que nous l’avons évité. Pendant 80 ans, l’ONU a permis la coopération internationale, a créé des programmes humanitaires, distribué des milliards d’aide, permis la signature de milliers de traités pour la culture, le social, le développement, le désarmement… ça a marché. Alors, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, voyons les choses avec justesse. Enfin la troisième chose, c’est l’une des raisons pour lesquelles on est en train de basculer dans des logiques de force, on a oublié les leçons de l’Histoire. On a beaucoup évoqué, invoqué le devoir de mémoire. Mais on a fait davantage de devoir de mémoire que de devoir d’Histoire. Si on sait qu’il y a eu la guerre, mais qu’on ne comprend pas ce qui a conduit à la guerre, les mécanismes politiques, historiques, économiques qui ont amené les puissances à faire la guerre, on ne se prémunit pas contre le retour de ces mécanismes. C’est le retour de logiques de force qu’on a connu dans le passé et que, malheureusement, notre défaut de transmission historique ne nous a pas permis de détecter plus tôt. Quelles sont ces logiques de force ? Elles sont de plusieurs ordres. Premièrement, on a des logiques de force liées au fonctionnement du système économique. On a vu depuis des années s’exacerber une course folle aux ressources, à l’énergie, aux terres rares. C’est l’un des carburants de la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine, par exemple, qui va mettre la main sur les ressources du Congo ou sur les microprocesseurs, les métaux rares? Or, quand ce n’est pas régulé, indépendamment des dégâts sur l’environnement, ça conduit à … Lire la suite

Anne-Cécile Robert : «Le combat pour la paix commence par la mobilisation citoyenne» 2/3

Portrait d'Anne-Cécile ROBERT

Anne-Cécile Robert est directrice adjointe du Monde diplomatique, enseignante et essayiste. Face aux bouleversements du monde et aux risques d’une troisième guerre mondiale, cette spécialiste des institutions européennes et internationales, comme l’ONU, qui a écrit plusieurs livres sur ces questions, nous rappelle dans cet entretien les valeurs pacifistes et humanistes qui constituent sa grille de lecture du monde, son engagement pour la réhabilitation de la paix et sa foi dans le pouvoir de la société civile. Vous dites, en d’autres termes, que par leurs agissements les Occidentaux ont perdu leur crédibilité face à ce qu’on appelle le Sud global. Faudrait-il alors que les puissances occidentales commencent par reconnaître leurs responsabilités dans le chaos actuel ? Oui, ce serait un premier pas et c’est une des solutions avancées dans mon livre. Parce que tant qu’on continuera à distribuer les bons et mauvais points, comme si on n’avait aucune part de responsabilité dans ce qui se passe, on ne sera pas entendus. C’est pourquoi l’un des enjeux aujourd’hui est d’améliorer la représentation des pays du Sud dans l’ONU et notamment dans le Conseil de sécurité constitué de cinq Etats, qui décident pour l’ensemble des 193 pays membres. Est-ce que ce type de recommandation est pris en compte ? Sur la question de la représentation du Sud, les choses bougent, lentement certes, mais elles bougent. Le statut de membre permanent du Conseil de sécurité pourrait s’ouvrir à court ou moyen terme à des États africains et des pays du Sud. Par ailleurs, lors du Sommet de l’Avenir à New York, les pays du Sud se sont coalisés et ont obtenu une meilleure prise en compte de leurs revendications sur le nouvel ordre économique international, la réforme de l’architecture financière, l’injustice climatique, Donc selon vous, les choses bougent dans le bon sens même si c’est lent et modeste ? Disons qu’il y a des signaux faibles mais il faut les encourager. La planète est à un moment d’hésitation entre verser complètement dans le chaos ou essayer de sauver quelque chose. Nous qui pouvons faire circuler des idées, nous devons saisir cette opportunité de porter ces solutions possibles. Comment faire concrètement pour remettre au centre du jeu les valeurs humanistes et de paix, ainsi que les organisations internationales dont les missions sont de les préserver ? Nous venons d’évoquer quelques réformes très concrètes à réaliser, le Conseil de sécurité et la nécessité de re–crédibiliser un discours de paix. On entend beaucoup trop dire aujourd’hui que c’est une idée naïve, ce qui n’est pas vrai. Et je dois dire que je suis assez déçue de la passivité de certains grand·es intellectuel·les qui interviennent sur un tas de sujets, mais pas du tout sur celui-ci, alors qu’il est crucial. Or, nous qui sommes Français·es avons une capacité d’influence, car la France reste une grande puissance mondiale, une force nucléaire, un pays présent quasiment sur tous les continents, et surtout un Etat dont la voix porte en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Aussi, l’une des solutions concrètes est que les citoyen·nes se mobilisent, manifestent, s’organisent pour influer sur la marche des choses. Il faut faire pression sur nos élu·es, écrire à nos député·es, à nos maires, au gouvernement, au président de la République pour exiger que la France assume ses responsabilités. Avec un peu de courage politique, notre pays pourrait très concrètement tenir ce rôle historique, qu’il a eu dans le passé. En utilisant son statut pour ouvrir des espaces à tous ces pays qui s’expriment mais que personne n’entend, en donnant davantage la parole aux pays du Sud, en faisant respecter le droit international et en le valorisant. Vous savez, je donne des conférences un peu partout et dans des milieux très divers. Eh bien, je suis étonnée du nombre de gens qui viennent me voir pour discuter, parfois très longuement, de la paix, de l’ONU. C’est un sujet qui, pense-t-on, n’attire pas les foules, mais qui intéresse pourtant un grand nombre de personnes. Pour autant, quel est le pouvoir réel de la société civile ? Pensez-vous qu’effectivement, on peut faire changer les choses ? Si je ne le pensais pas, je partirais à la campagne élever des chèvres ! Rappelez-vous que tous les droits qu’on a obtenus, on les a conquis, en partant de rien. Cela peut paraître insurmontable, mais à un moment, il faut mener les combats parce qu’ils doivent être menés, pas parce qu’on est sûr de les gagner. Le combat pour la paix commence par la mobilisation de la société civile. Et là, il y a urgence il faut y aller. Avez-vous en tête une recommandation supplémentaire ? Outre la pression citoyenne, je pense qu’il faut aussi faire des liens entre les différents milieux. Je suis très frappée de constater combien de gens luttent pour le droit international, l’humanisme, la paix, le respect et la dignité des plus vulnérables, mais agissent de manière isolée chacun dans son domaine : universitaires, ONG, enseignant·es, juristes, mais il n’y a pas de convergences car ces mondes ne se rencontrent pas. Or, ces luttes doivent se rejoindre et s’additionner. Il faut communiquer, créer des liens, faire circuler les idées, c’est essentiel. Jocelyne Adriant-Mebtoul 50-50 Magazine Article publié le 29 juillet 2025 dans 50/50 magazine Jocelyne ADRIANT-MEBTOUL, présidente Spécialiste des questions féministes à l’international

Anne-Cécile Robert : « Il y a une bataille culturelle à mener pour revaloriser les notions de collectif et de responsabilité envers autrui » 3/3

Portrait d'Anne-Cécile ROBERT

Anne Cécile Robert est directrice adjointe du Monde diplomatique, enseignante et essayiste. Face aux bouleversements du monde et aux risques d’une troisième guerre mondiale, cette spécialiste des institutions européennes et internationales, comme l’ONU, qui a écrit plusieurs livres, nous rappelle dans cet entretien les valeurs pacifistes et humanistes qui constituent sa grille de lecture du monde, son engagement pour la réhabilitation de la paix et sa foi dans le pouvoir de la société civile. Dans les conflits actuels ce sont des gouvernants hommes qui décident unilatéralement d’user de la force plutôt que de la diplomatie multilatérale. Pour ne citer que ceux à la Une de l’actualité : Poutine, Trump ou Nethanyahu n’ont que faire du droit international et montrent leurs biceps. N’y a-t-il pas un lien évident entre pouvoir, violence et masculinité ? Je me pose pas la question en ces termes, parce que lorsque j’écoute Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, j’entends un homme qui défend à fond les valeurs de paix. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, aussi. Parallèlement, des femmes, dont certaines sont ministres aujourd’hui, ne défendent pas du tout des valeurs pacifistes et humanistes. La question est celle du pouvoir et de la conception qu’on a du pouvoir. Même dans les organisations de type progressiste, le pouvoir est souvent conçu de la même manière, c’est-à-dire vertical, unilatéral, parfois appuyé sur la coercition et la violence. Ce qui fait que quelque soit la personne qui l’exerce, elle l’exerce de la même manière . C’est à cela qu’il faut réfléchir. J’aime bien cette phrase de Michel Foucault : «Le pouvoir ne se prend pas, il s’exerce». La réflexion sur l’exercice du pouvoir reste très limitée. Qu’est-ce que c’est qu’un exercice collectif du pouvoir ? Qu’est-ce qu’un exercice partagé du pouvoir dans lequel chacun pourrait se reconnaître et qui profiterait à tous ? Je ne dis pas que c’est simple, mais je pense que ça s’éduque, ça se réfléchit. Nos sociétés éduquent très peu au collectif et favorisent en permanence les réflexes “individualistes”, renforcés par l’usage des réseaux sociaux, le narcissisme, etc. Il y a une bataille culturelle à mener pour revaloriser le collectif, les notions collectives, de responsabilité envers autrui. On est beaucoup dans des logiques de droit et très peu dans des logiques de devoir. L’une des caractéristiques de l’idéal républicain français sous la Troisième République, était que la logique des droits accompagnait la logique des devoirs. Et que plus vous aviez de pouvoir, plus vous aviez de devoirs. Cette notion des devoirs envers les autres, envers la collectivité, s’est amenuisée aujourd’hui. Elle était beaucoup plus puissante, il y a quelques décennies, dans les associations laïques, les associations communistes, les mouvements humanitaires, mais une bataille culturelle a été menée et a malheureusement favorisé une sorte de transformation de l’être humain en son propre produit, au détriment de ce qui le relie aux autres. Sans doute aussi parce que laisser le champ libre aux logiques verticales, est peut-être plus facile. Il faut donc réhabiliter la collectivité, l’écoute. Oui justement. Les femmes ont davantage été éduquées avec ces valeurs du collectif, de l’attention à l’autre. Et par exemple, on sait que lorsque des femmes participent aux négociations pour la paix, elles sont plus solides et plus durables. Ne pensez-vous pas que si il y avait un peu plus que les 10% actuels de chefs d’État et de gouvernement femmes, c’est-à-dire si on avait une société plus mixte au pouvoir, ce serait l’ouverture vers cet autre mode de gouvernance dont vous parlez ? Là encore, on retrouve l’enjeu des valeurs et qui les portent. Le fait qu’il y ait si peu de femmes est un problème en soi et c’est un problème parce que c’est le résultat d’une discrimination. Or, il y a la question des discriminations envers les femmes mais aussi, comme nous l’évoquions tout à l’heure, celles envers les pays du Sud, envers les classes sociales défavorisées, envers celles/ceux qui n’ont pas les outils culturels. Le constat selon lequel quand il y a plus de femmes aux tables de négociation, la paix est plus solide, ce n’est pas parce qu’elles sont nées femmes mais le résultat de mécanismes sociaux. C’est ce sur quoi il faut travailler : créer des espaces où il y a moins de discriminations, plus d’ouverture, plus de réceptivité à des modèles, des rapports sociaux différents. J’ai travaillé à une époque sur les sociétés africaines traditionnelles, il y avait culturellement, et jusqu’à présent, une mise en avant du collectif, des valeurs sociales par opposition aux valeurs individualistes, et ce, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes. Je pense qu’on a besoin de plus de ces valeurs africaines, on a besoin d’arbres à palabres, on a besoin de toutes ces choses que les sociétés africaines connaissent, dont Nelson Mandela parlait beaucoup, Kofi Annan également. C’est ce type de diversité qui est intéressant, c’est la diversité sociale, culturelle, intellectuelle qui nous manque aujourd’hui face à un modèle unique qui étouffe tout et qui, de plus, a trouvé ses limites aujourd’hui. Il faut qu’on ait des modèles de transmission et des modèles culturels et éducatifs qui favorisent la diversité des sensibilités, des appréhensions, quel que soit le sexe, sans assignation. Je suis convaincue qu’il faut vraiment arriver à universaliser la manière de poser les problèmes afin que personne ne se sente obligé d’être porte-parole de quelque chose s’il n’en a pas envie. Un mot de conclusion ? Ma conclusion, c’est qu’il faut que tou·tes les citoyen·nes, où qu’ils et elles soient, se mobilisent, parce que rien ne se fera, si on attend tout de celles/ceux qui nous dirigent. Que chacun·e prenne sa part pour essayer de changer le climat intellectuel et culturel actuel, qui est un climat d’affrontement, de guerre civile, de guerre mondiale. Il faut vraiment combattre ça. D’autant plus que cet état d’esprit guerrier peut être présent chez certains dirigeants, mais qu’il est loin d’être dominant dans la société. Propos recueillis par Jocelyne Adriant-Mebtoul 50-50 Magazine Première publication le 31 juillet 2025 dans 50/50 magazine … Lire la suite

#026 – Claudine MONTEIL

Portrait Claudine MONTEIL

Première publication le 29/11/2024 La Française Claudine Serre Monteil est une féministe historique, écrivaine, historienne, et diplomate de carrière. Amie proche de Simone de Beauvoir, elle fut la plus jeune signataire du célèbre Manifeste des 343 et a dédié sa vie à défendre les droits des femmes. Avec passion, elle revient sur son parcours marqué par ses combats pour le droit à l’IVG, son engagement auprès des institutions internationales pour les droits des femmes, et sa détermination à transmettre son héritage féministe aux nouvelles générations. Claudine Serre Monteil nous parle également de son enfance dans une famille de scientifiques exceptionnels et de ses projets actuels, toujours guidés par une quête de justice et de liberté. Ecouter

#012 – Brigitte GRESY

Portrait de Brigitte Grésy

Première publication le 21/03/2024 La Française Brigitte Grésy est l’autrice du précurseur Petit traité contre le sexisme ordinaire paru en 2009. Successivement responsable du service ministériel des droits des femmes, directrice de cabinet, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, cette énarque et agrégée de grammaire a consacré l’essentiel de sa carrière à l’égalité professionnelle dans les politiques publiques. Elle se considère modestement comme une « bricoleuse de l’égalité ». Aussi créative qu’énergique, Brigitte Grésy a tout au long de son parcours lutté contre la disqualification injuste des femmes, notamment dans le domaine du travail. Elle nous confie la source de ses motivations, de la joyeuse enfant au bord de mer en Bretagne à l’experte incontournable de l’égalité qu’elle est devenue en France Ecouter